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Alors que la région parisienne a longtemps fait office de capitale du rap français, de nouveaux centres d’influences se développent, et notamment Marseille, ville diamétralement opposée à Paris, de par sa culture plus solaire. Cependant, au Nord, une ville fait de la résistance : Roubaix.

Roubaix, ville propice à l’expansion du rap

Roubaix, ville située à une quinzaine de kilomètres de Lille, capitale du département du Nord (59), est la deuxième ville la plus pauvre de France, avec un taux de chômage de 18% et un taux de pauvreté de 45%. Une autre question vient alors à l’esprit : quel est le rapport entre cette pauvreté et le rap ? Le rap est aujourd’hui le genre musical le plus appelé à représenter les quartiers populaires, car il a toujours été pratiqué par des artistes issus de ces quartiers. Il est de plus facilement praticable : une instru sur YouTube, un texte écrit sur une feuille (ou dans le bloc-notes du téléphone) et c’est parti pour un freestyle. Le rap est aussi un moyen d’exprimer ses mœurs et de s’échapper un court instant de sa misère quotidienne. Roubaix fait donc office de terre propice au développement de jeunes talents. Cependant, il y a quelques années, il manquait un précurseur, quelqu’un qui allait montrer la voie à suivre aux jeunes : c’est ce que Gradur incarne. En 2013, il commence à se mettre sérieusement dans le rap, et c’est en 2014 que sa carrière décolle. Par une suite d’événements, il devient cette

« star » de Roubaix, qui fait connaître sa ville dans la France entière. Depuis 7 ans, Roubaix est le théâtre de la naissance de jeunes rappeurs en devenir, dont Bekar fait partie.

La carrière de Bekar

Alexandre Becquart naît à Madrid en 1998, et arrive rapidement à Roubaix. Il y découvre le rap, et poste ses premiers freestyles sur Facebook en 2017. De fil en aiguille, son nom commence à se faire entendre, et il rencontre alors Lucci’, son beatmaker, Kaluu le réalisateur de certains de ses clips, ou encore Salek et Balao, rappeurs. Bekar participe à Grünt, et fait une vidéo avec le youtuber Raska, collaborations qui le font connaître à un plus grand nombre de personnes. Le 22 mars 2019, Bekar, aussi appelé B.E., sort son premier projet : la mixtape Boréal.

Bekar

Boréal, entre promesses et premiers succès

Boréal est donc le premier projet d’une carrière qui promet d’être riche. En effet, Bekar fait preuve d’une grande maturité dans la voix, les flows, et dévoile surtout sa grande polyvalence, en témoigne la transition entre deux sons assez mélodieux (Téla et La Mort a du Goût), et deux sons plus kickés : Potion Magique (ft. Balao) et Sapologie. Sur certains morceaux, Bekar découpe les prods de son acolyte Lucci’, tandis que sur d’autres, il pose calmement sur les prods, pour parler d’amour, de sa passion pour le rap, comme dans Noir & Bleu, Un œil sur le monde,  Seattle, mais surtout Téla, qui est un son à la jointure entre kick et mélo, dans lequel il dit « Il  [le rap] a repensé mes plaies, il a repensé mes blessures ». Enfin, ce projet montre déjà des qualités indéniables et révèle ses sujets favoris, par lesquelles sa propre vie, ses parents, sa famille, ses amis, et surtout sa ville. C’est d’ailleurs ce dernier thème qui sera au centre de son second projet (encore une mixtape), Briques Rouges.

La cover de Boréal

Briques Rouges : la confirmation

Après de nombreux sons sortis entre Boréal et septembre 2020 (comme Plus Haut ou encore Elle me veut en featuring avec Salek et Balao), Bekar annonce le 24 août 2020 la sortie de Briques Rouges pour le 25 septembre. Le 23 septembre, il dévoile Destinée, dernier extrait de l’album après les sorties de En Principe, Soleil s’allume, Aléas ou encore Tiekar quelques temps avant la sortie de Briques Rouges. Dans ce projet de 18 titres, Bekar confirme ses inspirations : sa vie, sa ville. En effet, le titre "Briques Rouges" fait référence à sa ville de Roubaix, où les maisons sont principalement constituées de ce matériau. De même, l’interlude est un extrait du film C’est arrivé près de chez vous avec Benoît Poelvoorde, qui explique « La première chose qui te sautes aux yeux ? Les briques, c’est les briques rouges ». Pas de featuring, pas de rêve de passer des vacances à la mer, Bekar se recentre sur sa ville et sa jeunesse, et cherche à mettre en valeur cette vie, certes remplies de galère, mais où la débrouille est plus belle que tout. Chacun cherche à s’échapper de cette ville, mais continue à l’aimer, voilà le message que semble faire passer Bekar. Au niveau musical, il faudrait bien sûr écouter toute la mixtape, mais les morceaux Les oiseaux chantent, Soleil s’allume et Bulle sont peut-être les 3 impératifs. La transition entre l’interlude et le morceau Briques rouges, éponyme au projet, est également parfaitement maîtrisée, puisque Lucci’ sample le son des cloches en fond de l’extrait du film pour fixer les bases de la prod. Ce procédé rappelle le dernier album de Nekfeu, Les Etoiles vagabondes, dans lequel beaucoup de transition entre morceaux sont présentes. D’ailleurs, Bekar ne cache pas son admiration pour le rappeur parisien, qu’il cite dans Destinée, au même titre que Gradur : « Je remercie Feu [surnom de Nekfeu], je remercie Gradur, il a mis la lumière sur ma ville ». B.E. explique ici que Nekfeu est sa principale source d’inspiration musicale, tandis que Gradur est l’artiste qui lui a permis de faire le pas vers la musique, d’oser se lancer dedans. De même, le rappeur roubaisien montre son attachement à l’histoire du rap. En effet, il fait référence à Fonky Flav toujours dans Soleil s’allume - décidemment un incontournable du projet - ce dernier étant un des fondateurs du label Panenka Music auquel Bekar appartient en compagnie de PLK, Tsew The Kid ou encore Georgio. Fonky Flav était un des membres du groupe parisien 1995 dans lequel figurait aussi l’idole de B.E. : Nekfeu. Briques Rouges est aussi un annonciateur des rêves de Bekar, mais aussi une dénonciation de certaines exactions : tout d’abord Bekar dit vouloir faire un concert dans le zénith de Lille, salle qu’il scrute chaque fois qu’il empreinte l’autoroute pour quitter sa ville. D’autre part, il exprime sa vision de la vie « Quand j’étais petit, je croyais que j’allais en rester un, et que j’allais faire de ma vie un grand terrain de jeu. En grandissant, j’ai compris qu’en fait cette p*te te met des feintes et elle revient t’affronter un autre jour » (Hal & Malcolm). Enfin, la phrase « Un flic a tiré sur un petit cette nuit sur le boulevard en face » intervient durant les manifestations autour du mouvement Black Lives Matter, en combat contre le racisme subit par les populations Noires, que Bekar défend aussi dans En Principe : « En 2020 ça rigole de tout, arrêtez les blagues racistes », « Si j’dois parler d’sa mère, j’dis qu’elle a élevé un sale raciste ». Bekar confirme sa polyvalence en posant sur des prods variées de Lucci’, mais aussi de Six10 (Boîte à gants), Le Caméléon (Les oiseaux chantent, Soleil s’allume), ou encore D1gri et Guapo du Soleil (Bulle).

La cover de Briques Rouges

Bekar est donc un rappeur génial, avec un talent monstre, et qui commence à imposer son style, qui, paradoxalement, est la polyvalence. Depuis Briques Rouges et la date de parution de cette article, Bekar a sorti 3 morceaux, dont Chromé qui lui a permis d’être repéré par plusieurs Youtubers dont McFly et Carlito, mais surtout Mastu. Il devrait sortir prochainement 2 sons, peut-être les premiers extraits de son prochain projet (qui ne devrait vraisemblablement pas être un album, car Bekar, selon ses dires, ne se sent pas prêt à faire ce type de projet) qui pourrait être celui de la révélation à la scène du rap français entière.

Pour écouter Bekar :

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Axel, créateur et rédacteur en chef d'Inflow