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OBOY, la polyvalence la plus sombre du rap français

En France métropolitaine, il est considéré comme difficile de percer pour un rappeur, si l’on ne vient pas de Marseille ou Paris. Cependant, comme on l’a vu la semaine dernière dans l’article sur Bekar, de nouveaux centres d’intérêts liés au rap se développent un peu partout en France. Depuis quelques années, les artistes provenant de Madagascar font forte impression. C’est la cas de Tsew The Kid, signé au label Panenka Music et qui a sorti un album il y a quelques semaines (Ayna), mais aussi d’OBOY.

 

 

Jeunesse et premiers projets

OBOY,  de son vrai nom Mihaja Ramiarinarivo est un rappeur français d’origine malgache. Né en 1997, il s’installe avec ses parents en Île-de-France quelques années plus tard, et y découvre la musique. Il débute sérieusement dans le rap à l’âge de 18 ans dans le collectif Way Boto avec d’autres artistes de sa ville. Un an plus tard, il publie son premier projet (une mixtape) Olyside. Ce dernier ne rencontre pas un franc succès, mais OBOY persévère et annonce en 2018 la sortie de Southside, une nouvelle mixtape, qui sera son premier vrai succès.

 

 

« Southside est le projet qui symbolise le mieux son style »

La sortie de Southside marque donc un tournant dans la carrière d’OBOY. Son morceau Nuit devient un son très apprécié du grand public et lui permet d’accroître sa popularité. En effet, depuis sa sortie, ce son cumule plus de 17 millions d’écoutes sur Spotify, ce qui en fait le 4ème titre le plus streamé de sa carrière. Les sons Cobra et Cabeleira font également parties des sons les plus écoutés de ce projet, et contribuent au succès de cette mixtape. Globalement, ce projet est plongé dans un univers assez noir, triste, et est le projet qui symbolise le mieux le style d’OBOY. Dans Geronimo, il dit d’ailleurs « Ça fait un bail que j’ai pas vu le soleil ». Son univers de vie est retranscrit à merveille dans ses musiques. Southside pose les bases de ce que va proposer OBOY pendant 2 projets, puisqu’en 2019, il enchaîne avec OMEGA, son premier album.

 

 

OMEGA : entre continuité et exploration

Le 12 juillet 2019, OBOY lance OMEGA, son premier album. Ce dernier est composé d’un featuring avec Aya Nakamura (avec qui OBOY collaborera sur le morceau Préféré dans l’album AYA de la chanteuse) et Dopebwoy, un rappeur néerlandais, sur le morceau Je m’en Tape, qui devient rapidement un des sons les plus streamé du franco-malgache. Alpha, la chanson introductrice symbolise également ce talent, entre kick et mélodie. Sur ce projet, on a parfois l’impression qu’OBOY ne sait pas où il va, comme s’il était devant un sujet de dissertation et qu’il naviguait autour du sujet sans y être vraiment. Dans ce même Alpha, en plein milieu du morceau, il y a un blanc de parole, qui laisse place à une instru, mais celle-ci est différente de celle utilisée pour le reste du son. D’ailleurs, après avoir écouté cette introduction au projet plutôt mélodieuse, on tombe sur Wu-Tang, qui est un son dans lequel OBOY avale la fin de ses phrases, comme s’il était justement sous l’emprise de drogues. C’est un morceau sans aucune mélodie, qui entre en totale contradiction avec le morceau précédent. A la suite de Wu-Tang, on retrouve Boy, un son de nouveau mélodieux. Mais que cherche donc à faire OBOY : en plein album, il change de style 50 fois : seul les plus grands sont capables de faire ça en plein album. L’artiste prend un vrai risque, et remet en cause la notion même d’album, qui voudrait que ce soit un projet regroupant des morceaux avec un fil conducteur. Or ici, OBOY ne semble pas utiliser un seul style de rap. Mais en réalité si. Il faut creuser un peu, et aller chercher le mot qui vient en tête après la première écoute du projet : sombre. Quand on a un son qui parle d’amour, quelque chose vient couper cette sensation de bonheur, comme dans le morceau Avec Toi. Ce dernier est un morceau mélancolique qui forge le style d’OBOY, et est assez représentatif de son talent. Dans ce son mélodieux, le rappeur invite ses auditeurs à embarquer dans sa voiture pour un road trip, voire un bad trip (« Monte dans la caisse, viens on se barre quelque part dans l’Est, j’ai de la poudre quelque part dans ma veste »). Le bon moment se transforme alors en un moment normal, car la misère qu’il a connu le rattrape, avec le symbole de la poudre. Après ces mots, on peut alors penser qu’OBOY gardera ce style sombre pour une grande partie de sa carrière. Cependant, un an plus tard, il publie Mafana, un EP qui rentre en contradiction totale avec ce qu’il a pu produire auparavant.

 

 

Mafana : renoncer à ses facilités

Dans cet EP de 7 titres, OBOY fait l’inverse de ce à quoi il nous avait habitué. En effet, malgré un premier son (Phantom) dans la lignée de ses travaux précédents, on comprend dès la dixième seconde du deuxième son, ce qu’OBOY compte faire de son projet : nous faire kiffer notre été. Sur ce son, on a envie de danser, aller à la plage et siroter un coca bien frais, traîner dehors jusque tard, voir ses amis… passer un été parfait. Ce type de son occupe 5 morceaux sur 7, avec un feat avec 4Keus sur Meilleurs (un de mes sons de l’été 2020). Sur Fané, le BPM est moins puissant, donnant envie de se reposer, mais ce son reste cependant parfait pour vos soirées d’été. Il cherche clairement à nous ambiancer, et cette tendance se confirme avec Mélodie et Rémus. Enfin, les premières notes de Lunettes Noires sont à connotation Sud-Américaines, comme pour montrer que ce type de son dansant va perdurer. Finalement, c’est un retour aux sons noirs, kickés, qui entre en rupture avec les cinq morceaux précédents. En fait, en commençant par un morceau en accord avec ses anciennes productions, et en finissant son EP par ce même type de son, il marque comme une parenthèse dans sa carrière. Phantom représente une parenthèse ouverte, et Lunettes noires une parenthèse fermée. Tous les sons entre ces deux derniers sont des sons dans un univers différent, qu’OBOY avait envie d’explorer pour montrer une autre facette de son rap, une nouvelle qualité qu’il n’avait jusqu’alors pas montrée. Et c’est particulièrement réussi !

 

 

OBOY est donc une pépite musicale à absolument découvrir. Malgré son style assez particulier sur Southside, il faut absolument écouter OMEGA, qui est ultra complet, avec plusieurs types de sons, mais toujours des paroles assez noires, marque de fabrique du jeune rappeur, qui a récemment sorti Cruel, un single très remarqué qui cumule à ce jour (jour de sortie de l’article) plus de 13 millions de streams sur Spotify. Pour finir, OBOY pourrait collaborer avec de nombreux artistes de styles totalement différents. Par exemple, dans Massa (OMEGA), il dévoile un flow presque drillesque. Un feat avec un driller de renom serait alors très clairement envisageable selon moi. Aussi, son flow sur Beta ou encore Avec Toi me fait penser qu’il a les qualités pour feat avec Rim’k ou encore SCH (dans ses flows les plus graves).

 

 

Axel, créateur et rédacteur en chef d'Inflow



18/04/2021
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