INFLOW

Népal AKA KLM AKA GrandMaster Splinter était un rappeur et beatmaker de la scène parisienne qui s'est éteint le 9 novembre 2019. Il était connu pour sa technique, ses flows uniques et le message qu'il délivrait dans ses musiques, et que son collectif LesGarsLaxistes partageait. Il était en contact avec nombre de grands rappeurs et a fait des feats avec  Lomepal sur Lucy en coopération avec Doums, ou avec Nekfeu sur Esquimaux et En face.

Il était très proche de Doums, avec qui il partageait le groupe 2Fingz et a réalisé plusieurs sons avec lui comme Suga Suga ou One punch man.  Après l'annonce de son décès, beaucoup de rappeurs ont voulu lui rendre hommage, mais celui qui marqua le plus les esprits fût celui de la rue des Thermopyles dans le 14e arrondissement de Paris où la cover de son dernier album Adios Bahamas fût graffée sur un mur.  Durant ses 11 années dans le rap, il sortit 2 albums et 5 EP.

Népal

Dans son album 2016-2018 qui compile 14 morceaux de ses précédents EP on peut retrouver son morceau le plus connu Rien de spécial qui est vraiment excellent et qui montre que, comme il le dit dans son morceau Crossfader : "Quand l'instru est bonne et qu'y a rien à glander, j'écris des be-tus comme Ariana Grande". Il y a aussi un de nos morceaux préféré de cet artiste et qui n'est pas assez connu d'après nous : Malik al Mawt. On peut voir que Népal avait déjà bien travaillé son concept mais c'est dans son album posthume Adios Bahamas qu'il nous donnera réellement accès à sa vision du monde.

Adieu les Bahamas, Bonjour Paris :

L'ouverture en japonais résume dès le départ  ce que Népal a voulu faire passer, il montre qu'il a atteint un certain niveau de calme mais que malgré ses vacances oniriques il y a encore du chemin à faire et pense renoncer aux Bahamas. Aux travers de ses musiques, on apprend qu'il ne désire plus la plage et le soleil mais souhaite rester chez lui avec ses potes dans Paris, à laisser sa vision laxiste du monde le gagner (#LaxVision), à créer de la musique pour le plaisir. Il ne voulait pas avoir à charbonner, c'était le message de son collectif LesGarsLaxistes. Dans son morceau Babylone il l’énonce lui-même : "Si t'es au stud comme à l'usine Babylone a gagné",  c'est à dire que même dans l'univers musical qui est un domaine artistique il ne faut pas tomber dans l'état de machine, d'après lui il faudrait d'abord suivre ses envies avant de penser à l'argent et aux vues comme il le dit dans Ennemis en feat avec Di-Meh : "C'est dangereux si tu t'fies plus qu'aux vues, belek à pas prendre une prune au stud". Pour Népal les chiffres de ventes n'étaient pas gages de qualité et ce n'était pas réellement son activité de rappeur qui lui rapportait de l'argent car il mettait ses sons gratuitement en téléchargement sur son site. Il appliquait cette mentalité partout et même jusqu'à ses vêtements comme il le montre dans Niveau 1 : "La sape est basique ou très rare" ce qui signifie qu'il ne cherche pas à flex pour faire rêver, son but était juste de se faire kiffer sans excès inutiles. Il aimait la beauté du geste, pas la compétition. Il exprime cette mentalité avec cette punchline dans Lemonade : "Si j'mets des switchs c'est pour le bruit pas pour le score".

Une idéologie affirmée, et réaffirmée :

Une autre pensée de Népal est celle de l'ennemi, en effet d'après lui il existe quelque chose qui nous empêche de nous épanouir. Il a affiné sa recherche de l’opposant et nous montre son chemin de pensée,

dans Ennemis, Pt2 il réemploi la maxime du général illustre Sun Tzu :"Essaies pas d'te battre avant de connaître ton ennemi", ce qui veut dire qu'il a longtemps cherché l'ennemi et sa façon de faire. Il nous montre ensuite quel est cet ennemi dans Vibe : "Le système, l'ennemi, je me bats en étant moi-même en paix", cette phrase fait référence à l'outro de son titre Trajectoire dans lequel il a glissé un extrait d'une vidéo de Nassim Haramein, un penseur Suisse. Il dit qu'on "ne peut pas changer ce système en faisant la même chose que ce système a fait". Il faut donc lutter contre le système sans utiliser les mêmes armes que lui.  Tout le raisonnement qu'il développe est lié car comme nous l'avons montré juste avant, il n'aime pas la compétition et ne cherche pas à accumuler le plus d'argent possible, il souhaite juste assez pour vivre tranquillement et le système qui est son ennemi l'encourage pourtant au contraire. L'arme qu'il ne faut pas utiliser c'est ce que beaucoup de rappeurs font, ils tentent de se libérer de l'argent grâce à l'argent accumulé par les streams et les concerts ce qui n'est pas du tout dans l'esprit de l'album.

Pour ses enseignements, Népal s'est beaucoup inspiré de la spiritualité. Il utilise une croyance très présente dans l'islam qui affirme que nos âmes ne sont que de passages dans nos corps : Trajectoire ; "C'est pas important d'être riche si nos corps sont déjà des locations". Il s’appuie aussi sur des croyances boudhistes en utilisant le roman d'Hermann Hesse, Siddhartha, dans le son Sundance : "J'drop ça par étape comme dans l'bouquin d'Hermann Hesse". Dans ce livre le personnage principal accumule des richesses en étant marchand mais fini par tout arrêter pour vivre une vie spirituelle dans la forêt en suivant les enseignements de Bouddha. Ainsi d'après Népal il faut suivre une vie pieuse et ne pas chercher le superflu.

Conclusion et ressenti personnel :

L'album de Népal Adios Bahamas est indubitablement un classique et est même d'après moi l'album de l'année 2020, et j'ai vraiment regretté de ne l'avoir connu que trop tard. Comme le dit Sheldon sur le plateau de Clique : "Son style était quasiment spontané, il y avait toujours ce souci de dire quelque chose d'intelligent" et pour moi c'est ça Népal : un rappeur qui travaillait énormément ses textes et qui cherchait à être le plus universel possible. C’était un choix délibéré, il l’annonce lui-même dans Crossfader "D'accord t'aimes bien la mélo, mais les lyrics ?". Il cherchait à ce qu'on s'intéresse à son message qui d'après moi était un des plus beaux du rap français.

Si vous ne l'avez pas écouté ou si vous ne connaissez pas Nepal, je vous conseille vivement d'écouter sa musique et plus particulièrement ses morceaux Sundance, Malik al Mwat et surtout son plus grand classique, Rien de Spécial pour le découvrir.

Elouan, rédacteur pour Inflow