INFLOW

INFLOW

Bekar, l'inclassable du Nord

14 janvier 2018. Une date qui ne vous dit probablement rien, et qui pourtant marque les premiers pas officiels dans le rap d’un artiste qui connaît une renommée croissante depuis, et qui n’attend que la consécration d’années de charbon.

Ce rappeur, c’est Bekar !

 

Après Boréal en mars 2019, Briques rouges en septembre 2020, et le double EP Mirasierra sorti en juillet 2021 et avril 2022, Bekar a dévoilé ce vendredi 31 mars son tout premier album : Plus fort que l’orage.

 

Cover Plus fort que l\\\'orage

Cover de Plus fort que l'orage, réalisée par salu_cv

 

Mais pour bien comprendre cet album, il faut analyser la musique de Bekar, et ce, sous toutes ses coutures.

 

Chapitre 1 :

Après Boréal, Briques rouges et Mirasierra, Bekar sort ENFIN ce qu’il considère comme son premier album. En effet, si certains assimilent Briques rouges à un album de par un fil directeur clair, qui traverse la vie de celui qui se fait appeler BE, il n’en est rien : Briques rouges est bel et bien une mixtape ! De même, Mirasierra est un double EP, sorti en 2 temps (juillet 2021 et avril 2022), et est le projet qui a permis à Bekar de prendre un peu plus de place dans la scène rap, avec notamment Magenta, qui a récemment atteint les 8 millions de streams sur Spotify. Ainsi, ce premier album est l’aboutissement d’années de travail, de perfectionnement, et de stabilisation de l’entourage. Signé chez Panenka depuis la fin de l’année 2019, Bekar fait aussi partie du collectif North Face Records, avec SIMA, Balao, ou encore Sto. D’ailleurs, ce dernier a récemment évoqué son amitié avec Bekar dans son interview Grünt :

 

 

Bek, comme ses proches l’appellent, est donc un mec déterminé à faire vivre et connaître sa musique, quitte à délaisser la vie à laquelle un jeune homme d’une vingtaine d’année aspire. De même, B.E est un buté de rap :

 

 

Il a toujours rêvé de la vie d’artiste depuis ses débuts, et ce jusqu’à ce que l’orage gronde.

 

 

 

Chapitre 2 :

Après la sortie de Boréal, Bekar a pu être comparé par certains auditeurs à Nekfeu, pour certains flows ou placements, une image dont il se détache dès Briques rouges, pour trouver sa propre identité musicale. Celle-ci est manifestée par un couple d’éléments majeurs : l’architecture de ses morceaux, et des thèmes récurrents.

À propos de ces sujets traités par le roubaisien, on retrouve une grande part de nostalgie, que ce soit dans l’intro de Briques rouges : B.E, mais aussi dans 98, ou encore Petit Alex. En plus de cette nostalgie, Bekar remet beaucoup en cause les choses qui l’entoure, et notamment celles de sa propre vie. L’artiste semble tiraillé par de nombreuses questions existentielles, comme il le dit dans le 1er morceau de sa carrière à avoir marché : La mort a du goût.

 

 

On peut aussi dire que Bekar connaît ses qualités, notamment celles de topliners, et adore incorporer à ses morceaux de la mélo. Il y a quelques années, il expliquait d’ailleurs en interview que c’est sa rencontre avec Lucci qui l’a fait se rendre compte de l’importance et de la pertinence de la mélodie dans le rap, alors qu’il était plutôt attaché aux morceaux purement rap et kickés. En prenant aujourd’hui du recul, on remarque largement cet impact de Lucci, qui est à la prod d’une large majorité des sons de Bekar, qui sont pour beaucoup des mélos ! Un morceau comme Chromé symbolise bien ce que Bekar sait faire : des gros couplets kickés, et un refrain mélo. Et si c’était ça, l’identité Bekar ?

 

 

 

Chapitre 3 : Des tourments inamovibles

Bekar est un artistes tourmenté, très enclin aux questions existentielles qu’il décrit dans La mort a du goût. Mais alors : pourquoi ? Pourquoi Bekar est-il plus sujet à ce genre de questionnements métaphysiques que d’autres artistes ?

 

Quelques éléments de réponse se trouvent dans ses paroles. Déjà, cela peut venir de sa jeunesse. B.E naît à Madrid, où il vit quelques années, avant que ses parents ne décident de revenir en France. Première grosse étape dans la vie de Bekar, avec ce changement drastique de vie et de fréquentations. A ce propos, il lui arrive parfois de se souvenir de cette période espagnole de sa vie : « Grandir à Madrid, là où j’me sentais pas étranger » - Un œil sur le monde. Cette phrase permet d’introduire une autre facette des questions que Bekar se pose : celle des relations sociales. Bekar a réalisé 2 morceaux d’amour : Zou et Aparté, même s’il parle des femmes dans d’autres sons (Seattle, Elle me veut feat. Balao & Salek).

Mais les pensées qui le harcèlent sont celles des potes et de son rapport à sa famille. Concernant ses potes, c’est simple. Il a un crew, le TNF, et il n’en sort pas. Et pour y rentrer, bonne chance : « Dans mon équipe où la liste est close, y a ni gratteur, ni dictateur : Des types réglos, des p’tits créateurs et l’homme qui parle, on l’indique rappeur, B.E » - B.E. Ce groupe est essentiel pour lui, cela lui permet de s’évader, comme il le raconte dans Tiekar : « Ici, on s'porte, on partage, le but : le portefeuille plein / Si mon pote trouve pas d'taff, gro, j'lui fais partager l'plan ». D’ailleurs, ce morceau est assez symptomatique de ce que le TNF représente pour lui, puisqu’il n’évoque aucunement la mort ou le danger, et au contraire explique que son quartier n’est pas dangereux, et qu’il n’est qu’un lieu de débrouille : « Mon tieks est pas méchant, disons qu'c'est pas les Champs-Élysées / C'est loin d'être un champ d'bataille, j'suis conscient qu'j'ai d'la chance d'habiter ici » - Tiekar.

D’autre part, Bekar est très attaché à sa famille : il veut tout faire pour rendre fier ses parents, ainsi que son frère et sa sœur, en leur montrant qu’il a réussi et leur permettant de voyager, de profiter de la vie qu’ils n’ont pu avoir et ne peuvent avoir. Surtout, sa relation avec son frère est spéciale, et a en grande partie conditionnée Bekar sur un grand point de ses interrogations : la mort. Déjà dans La mort a du goût, rien que par son titre, mais aussi dans d’autres morceaux : Magenta (« j’vois ça comme la faucheuse qui navigue »), Noir & bleu (« Une photo sur le mur et j'pense à maman, tout va mal / Elle m'a donnée tout c'qu'elle avait / J'suis pas prêt à c'qu'elle se tire j'sais pas du tout c'qu'est la vie »), ou encore Avalanche (« Une seule erreur peut salir toute ta vie, quinze ans : certains creusent déjà leurs tombes »). En effet, Bekar a « grandi en face d'un hôpital, la mort, j'l'ai vu faire des allers-r'tours » - Avalanche. Il a toujours vécu au contact de la mort, ou du moins celui du danger : « Et t'façon, on s'est tous déjà fait des films comme ce fils de que t'as rêvé d'buter / Le soir dans ta piaule, tu t'es même fait des plans sur la comète / Au final, t'as fini un bleu sur l'abdomen, une plaie sur la pommette, c'est moche, c'est réel » - Avalanche. Ainsi, il a fallu pour lui se soigner, puisque cela a engendré des complications physiques et psychologiques.

 

 

 

 

Chapitre 4 : le rap comme ultime refuge

On relève dans ses textes l’omniprésence de la maladie. Regardons déjà les titres de ses sons : Anxiolytique, Efferalgan et Maux de tête. 3 titres qui relèvent du champ lexical de la maladie. Il faut alors en savoir plus sur Bekar pour comprendre ce rapport aux pathologies, et ainsi aller creuser un peu plus ses textes. Dans 98, il explique qu’à la naissance de son petit frère, celui-ci était malade, et qui a dû recevoir de nombreux soins lourds lorsqu’il était encore enfant. Dans Magenta, on retrouve cette présence de la maladie, et même de la mort : "Y a du rouge et bleu sur ma vitre, j'entends les pimpons dans ma ville / J'vois ça comme la Faucheuse qui navigue, ça attire les passants comme un film" / "J'avais dix-sept balais, j'ai vu la mort faire des signes et m'parler / Elle m'a dit : "P'tit, un jour, j'viens chez toi", j'comprends mieux pourquoi maman touche du bois".

Bekar semble donc être effrayé par la mort et ce qui peut la causer ! Face à toutes ses galères, il lui a fallu trouver une échappatoire, qui a pris la forme du rap.

Bekar prend alors l’habitude d’écrire des textes et de rapper, seul ou avec ses potes. Il réalise quelques freestyles, et quelques morceaux avec des proches, mais bâti surtout son art autour de la solitude, qu’il dépeint parfaitement dans Vagabond et Un jour. Surtout, Bekar est un amoureux de sa ville de Roubaix et de ses alentours, à tel point qu’il leur a dédié le nom de sa 2ème mixtape, Briques rouges, en référence au matériau des bâtisses de la région. Bekar, c’est le genre de mec à zoner toute la nuit, jusqu’à retrouver un lieu, son lieu, pour méditer. Cet endroit, c’est le banc du quartier. En fait, c’est sur ce banc que Bekar prend conscience des ondes néfastes qui l’entourent, des bons côtés de la vie d’artiste, mais aussi de ses points noirs. Surtout, cela le conduit à prendre du recul, et à avoir une analyse plus profonde de la société, qui est un véritable topos de sa musique. On peut ainsi évoquer les lyrics d'Efferalgan mais aussi de Sapologie.

Si Bekar structure autant sa pensée, c’est aussi car il veut percer dans la musique, pour « ramener ses frères et sœurs avec sa mère en haut » - B.E.

Pour cela, il lui faut bosser pour devenir meilleur.

Devenir Plus fort que l’orage.

 

 

 

Merci d'avoir lu cet article !

On vous rappelle que Plus fort que l'orage, le premier album de Bekar (16 titres, featurings avec PLK, Myth Syzer, Zinée, Sto, Sreen, SIMA et Konga), est disponible en cliquant sur le lien ci-dessous :

Bekar - Plus fort que l'orage

 

Axel, fondateur d’Inflow



01/04/2023
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Musique pourraient vous intéresser