En quoi le rap français est-il meilleur que le rap américain ?
Bien que le rap ait émergé aux Etats-Unis, la France est aujourd’hui une des terres où le rap est le genre le plus écouté, et où la culture qui lui est associé est la plus présente. Avec des têtes d’affiche comme PNL, SCH ou encore Maes et Laylow, la scène rap française est devenue extrêmement attractive, et la majorité des adolescents français écoute régulièrement ces artistes. Cependant, comme on cherche à montrer que le rap FR est supérieur à l’américain, il faut montrer comment on peut les comparer : tous les artistes s’inspirent du travail des autres, mais les français ont forcément toujours un œil sur la scène américaine, regard pas forcément réciproque. A juste titre, les rappeurs français écoutent ce qu’il se passe outre-Atlantique, étant donné que s’ils font cette musique aujourd’hui, c’est avant tout grâce à leurs homologues américains, et qu’ils sont les plus connus au monde. C’est notamment le cas de Laylow, qui parlait le 30 juin 2020 de son prochain album (depuis sortit sur les plateformes sous le nom de L’Etrange Histoire de Mr. Anderson), et qui expliquait être allé piocher dans les sons qui lui ont fait aimer le rap : la musique des années 90, et le rap américain, grande source d’influence pour les premiers rappeurs français. Cependant, cette idée qui propulse le rap français devant le rap américain n’est pas nouvelle et est soutenue par bon nombre de personnes, avec en première ligne des artistes. C’est le cas de Bolemvn, qui formulait, en pleine interview pour RAPRNB, son désintérêt pour « la nouvelle génération de kainry », qu’il qualifie de « éclaté au sol ». L’artiste du BAT 7 ajoute d’ailleurs que, selon lui, « on est largement plus fort qu’eux » en France. Mais alors, est-ce que, comme le formule Bolemvn, la nouvelle génération FR est plus forte que la nouvelle génération US ? Ou encore, est-ce que le rap FR est meilleur que le rap US ?
Alors, simple coup d’égo de la part de Bolemvn, ou réelle affirmation du talent des francophones ? En fait, en France, la force du rap réside dans la mixité des genres : chaque artiste apporte sa touche, son coup de pinceau à une immense toile, déjà bien garnie. Après des talents déjà retraités (Diam’s notamment) ou qui s’en rapproche (Booba ne devrait plus sortir d’album, Kaaris n’est plus du tout au niveau, et GIMS ne devrait plus sortir de projet « rap » avant la fin de sa carrière – sauf peut-être si un retour de la Sexion d’Assaut se fait), la relève a toujours su répondre présent. Aujourd’hui, cette relève est déjà sur le devant de la scène : qui aurait pu, il y a deux ans de cela, prédire que Laylow ou Freeze Corleone seraient aussi haut en 2021 ? Mis à part Mehdi Maïzi et quelques observateurs aguerris, peu de monde. Et encore une fois, qu’est ce qui rapproche ces 2 artistes : à part leur attache à l’Afrique (Sénégal pour Freeze et Côte d’Ivoire pour Lay’), leur musique est totalement différente, et pourtant, ils excellent tous les deux et dominent les classements français. Aux Etats-Unis, on peut remarquer que la musique se ressemble parfois trop. Quand un son US passe à la radio, on reconnaît instantanément la rythmique, on sait qu’on est parti pour un son américain, souvent stéréotypé. Il en va de même avec les rappeuses, qui jouent toutes (ou presque) sur leur corps, leur beauté, pour mettre en avant leur marque. Et même si cela est aussi un code utilisée par certaines en France, bon nombre de contre exemples subsistent (Marie Plassard, Doria…). D’un point de vue plus personnel, et pour rentrer dans des débats qui vont m’attirer des ennuis, j’ai préféré Donda (Kanye West) à CLB (Drake), tout simplement car Drake a produit un bon projet mais trop classique à mon goût, un album classique, qui ne change pas, contrairement à Kanye qui a lui sortit un album assez excellent avec différentes sonorités. Cependant, je suis totalement ouverts à vos arguments, dans le sens où je n’écoute que très peu de rap US, mais ce que j’entends ne me donne pas envie de découvrir beaucoup plus. Le plus novateur que j’ai pu écouter est bel et bien XXXTENTACION, qui était lui un vrai monstre de créativité, mais aussi Kanye West, aka le fou de Chicago, qui arrive toujours à sortir des albums exceptionnels et différents de ce qui se fait habituellement.
Plus récemment, Tyler the Creator, rappeur et producteur originaire de Los Angeles, a déclaré : « En France vous avez votre propre rap, votre musique, et tout le monde est inspiré par ça. ». En France, le rap est diversifié, avec des talents dans chaque sous-genre du rap, et il en va de même avec la Jersey. Le problème étant que le rap a été créé aux Etats-Unis, et quasiment tous ses sous-genres également, mais les rappeurs utilisent ce genre, puis s’en séparent, ou alors ne vont pas au bout des choses pour retomber sur du grand classique. JUL, lui, a créé son style : ensoleillé, planant, et des paroles qui parlent à tout le monde car facilement accessibles. Ce style, il l’a gardé, et le garde encore aujourd’hui, et a inspiré bon nombre de rappeurs. Certes, JUL est critiquable : morceaux parfois trop semblables, pas assez travaillé, paroles pas développées… Mais JUL s’est imposé lui-même, et a imposé son style, et est aujourd’hui le plus gros vendeur de l’histoire du rap FR. Aux Etats-Unis, il est moins sûr de voir ce genre de trajet arriver, avec des artistes qui se seraient probablement tournés vers du « commercial ».
Voilà pour ces principales différences entre le rap US et le rap FR. Malgré tout, la vraie problématique lorsque l’on traite de ce sujet est que l’on parle de musique, et que chacun aime des choses différentes. Ce débat a clairement lieu d’être, mais aucune réponse ne sera jamais vraiment donnée, car il ne peut pas en exister, due à la part de subjectivité qui l’emporte sur toute chose dans la musique.
Axel, créateur et rédacteur en chef d’Inflow
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