Gainsbourg, le rap français et cætera
Personnage marquant de la deuxième moitié du XXeme siècle, Gainsbourg est aujourd’hui présenté comme un monument de la chanson française. Il a laissé un riche héritage musical derrière lui, qui a inspiré de nombreux artistes. Mais si son influence semble évidente dans de nombreux styles de musique, qu’en est-il pour le rap français ?
Il est certain que le style qu’emploie Gainsbourg possède des similitudes avec le rap français. Tout d’abord dans la forme, le parler-chanter de certaines musiques de Gainsbourg et sa façon de déclarer simplement son texte se rapproche souvent du style qu’utilise les rappeurs français. Plus particulièrement, sa manière de faire sonner les mots, de créer des mélodies simplement en jouant sur les sonorités de son texte, est facilement assimilable à certains rappeurs, comme PNL. Le langage qu’il emploie, qui peut être à la fois très poétique et obscène, et sa liberté dans son écriture sont une source d’inspiration pour de nombreux rappeurs français. En cassant les codes de la chanson française, il a permis aux premiers rappeurs français d’émerger, en se libérant de l’influence du rap US. La chanson de MC Solaar Nouveau Western, qui marque un point très important dans l’histoire du rap français et de sa popularité, marque cette libération, en reprenant la musique Bonnie and Clyde, célèbre chanson de Serge Gainsbourg et de Brigitte Bardot. Sa mort, en 1991, marque profondément l’univers du rap français de l’époque, et on assiste à une véritable redécouverte de l’œuvre de Gainsbourg. Ses chansons peuvent facilement être réinterprétées en rap, et de nombreux rappeurs s’essayent à l’exercice. Requiem pour un con, sortie en 1968, présentait déjà une rythmique très similaire à celles utilisées dans le rap, et qui sera reprise dans de nombreux morceaux, comme dans Hold up mental, d’IAM. Gainsbourg va même jusqu’à écrire une chanson que l’on pourrait considérer comme du rap, You’re under Arrest, en 1987. Mais l’image de Gainsbourg en tant que pionnier du rap français ne s’arrête pas là. Son influence va au-delà de ses musiques, et son personnage symbolise des valeurs qui sont chères au rap français. Gainsbourg était un damné de la pop et de la musique française en son temps, et sa musique était mise à l’écart par les médias, exactement comme le rap aujourd’hui. Il incarnait une personnalité en marge de la société, voire anti-système, qui est facilement identifiable pour les rappeurs. Ses nombreux scandales, son coté «bling-bling» et ses provocations forment une image de lui que de nombreux rappeurs incarnent. Gainsbourg est un personnage qui est souvent cité, notamment par Alkpote, dans les morceaux Sans commentaires, inspiré de No comment, et Gainzbeur, référence directe au personnage de Gainsbarre que Gainsbourg incarnait. Citer et utiliser l’image de Gainsbourg permet d’outrepasser la difficulté pour le rap français d’acquérir une légitimité intellectuelle, et permet au rap d’être «pris au sérieux». Enfin, la musique que faisait Gainsbourg avait des influence multi-culturelles, allant de l’Amérique du Sud jusqu’à la Jamaïque. Son intérêt pour les musiques de ces cultures permet à certains rappeurs de s’identifier à sa musique et de saluer le respect et l’ouverture dont Gainsbourg faisait preuve.
Gainsbourg n’est donc pas seulement un chanteur repris par les rappeurs français, mais véritablement une référence culturelle qui renvoie à l’essence même du rap français. On peut donc aisément le considérer comme un pionnier du rap français, qui a largement contribué à l’émergence de ce style de musique, jusqu’à la place qu’il occupe actuellement dans le paysage de la variété française.
Raphaël, rédacteur d'Inflow
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